Gisèle Morelo était obsédé par la minceur. Tous les régimes, toutes les recettes, diètes, jeûnes avec ou sans pilules trouvaient grâce auprès de cette jeune femme, qui pourtant s'ingéniait à perdre régulièrement trois kilos pour en prendre six. Tout dans les fesses et les seins, avec un soupçon de ventre qui ne demandait qu'à s'évaser. Les hommes d'ailleurs ne s'y trompaient pas, lorgnant ce petit Botero en puissance, riant sous cape de cette bouteille d'eau minérale qu'elle transportait partout, y compris au lit - du moins le supposaient-ils - histoire de se purifier les sphincters. Mais Gisèle Morelo, qui se désolait de s'arrondir, luttait vainement contre une hérédité maternelle, fond et formes. Madame Morelo mère avait, en effet, un cul de jument, deux citrouilles qui reposaient sur un ventre de poussah et un port de tête d'hidalgo, arrogante à souhait, un rien précieuse avec des minauderies de boutiquière. Vivant toujours ensemble avec sa mère dans une grande villa, Gisèle imaginait sans effort quel avenir volumineux l'attendait. Mais quoi qu'elle fît, laitage allégé, yaourt à 0% ou régime Sylphide, elle s'acheminait cellulitiquement vers son destin. Grosses, sans conteste, mais soignées, manucurées, pomponnées, la culotte épilée dans le style X, juste quatre poils sur le devant de la motte et la raie plus lisse qu'un miroir. Quant au parfum, ayant longtemps habité Grasse, elles en mettaient des arrosoirs. Aussi, baleine et baleineau attiraient-ils fortement le jeune Jacques Austiard, un ingénieur en informatique, qui louait tout le premier étage de leur immense villa. Rubens, Renoir, Maillol et le délicat Botticelli l'avaient formé au goût de la rondeur et de la générosité charnelle. Entre la femme cube et la femme fil de fer, il avait opté pour les volumes. C'est d'ailleurs en rencontrant sa propriétaire qu'il avait décidé sur le champ que l'appartement lui convenait. Réciproquement, Madame Morelo mère voyait d'un très bon oeil ce locataire empressé, bronzé, poli, serviable, avec des abdominaux en plaque de raviolis et une situation toute nimbée d'avenir. Aussi, la mère et la fille avaient-elles comploté de le séduire avec, si possible, un mariage à la clé.
Dans un premier temps, plutôt que de lui faire des avances, elles avaient décidé de le travailler aux glandes avec un minimum de moyens. Derrière la villa, sur un étendoir commun, elles avaient attendu que Jacques suspendît sa lessive pour mettre la leur à sécher. Guêpières, porte-jarretelles, culottes arachnéennes, strings, Dim up, toute la panoplie du plaisir que Pierrette avait connu dans les bras de son défunt mari, Fernand Morelo, décédé quelque vingt ans plus tôt d'un infarctus. Époque de relative minceur, d'empoignades pittoresques, d'orgasmes cataractants, où il l'appelait déjà "Ma grosse" et, elle, "Ma belle assurance-vit". A sa mort d'ailleurs, c'était une opportune assurance-vie qui lui avait permis de prendre prématurément sa retraite et de revendre, un bon prix, sa parfumerie. - Tu crois que ça va marcher ? avait demandé Gisèle. C'est un peu gros, non ? - Je t'en prie, avait minaudé sa mère, n'emploie jamais ce terme-là devant moi. Non seulement, il va marcher, mais il va courir. Et toi, es-tu sûre qu'il te plaise au moins ? - Oh oui, avait soupiré Gisèle. Il est beau. Mais à part Bonjour, Bonsoir, il ne m'a jamais fait la moindre avance. - C'est secondaire, avait répliqué Pierrette. On va le mettre pendant trois semaines à ce régime et, crois-moi, il descendra les escaliers quatre à quatre. - Justement, je crois que je l'entends descendre. - Il va faire trempette dans la piscine, affirma Pierrette. - Et si je le rejoignais ? suggéra Gisèle. - Non. C'est trop tôt. Laisse-le fantasmer encore un peu. D'abord les froufrous, la viande après. Aussi se contentèrent-elles de lorgner discrètement Jacques Austiard, ses muscles longilignes, sa bosselure médiane et son bronzage caramélisé à souhait. Une proie superbe, qu'il fallait habilement ferrer dans les dentelles et la soie.
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C'est la troisième semaine que, ne voyant toujours rien venir, Pierrette se décida à oeuvrer. Il y allait de son honneur personnel, de l'avenir de sa fille et d'un mariage dont elle peaufinait le projet. "Eh quoi, ce merdeux d'ingénieur va nous faire encore attendre longtemps !" se disait-elle en termes moins soutenus. Elle s'aspergea aussitôt d'un parfum lourd et alla frapper à la porte de l'ingénieur : - Excusez-moi de vous déranger, lui dit-elle. Ma fille a un problème avec son ordinateur. Une histoire de souris, je crois...J'ai pensé que... Elle pensait bien. Jacques Austiard lui sourit jusqu'aux canines et suivit cette toupie fabuleuse qui pirouettait sur des talons aiguilles comme un éléphant sur un ballon.
- Il est superbe ! dit-il. - Oui. C'est un Packard Bell. Gisèle l'a depuis deux ans. Elle s'en sert beaucoup pour ses cours d'anglais. - Mais je ne parle pas de l'ordinateur, ma chère Pierrette ! lui susurre Jacques, pendant qu'elle sent une main persuasive lui caresse le fessier. - Oh, Jacques, voyons ! Vous savez que j'ai bientôt cinquante ans ? Mais Jacques ne s'en laisse pas conter. Il prend la main de Pierrette et la pose sur sa verge déjà dure. - J'ai envie de toi depuis le jour où je t'ai vue. - Mais Jacques... Déjà, elle sent qu'il la fourrage partout, soupèse, enveloppe, tâte, pince délicatement, respire avec avidité chaque centimètre de peau, lèche ses épaules, son cou - et lorsque sa langue s'insinue jusqu'aux amygdales, elle ne résiste plus. - Ah, tu me plais, tu me plais ! lui murmure Jacques, dont elle sent l'excitation croître et embellir. Alors, oubliant tout, sentant cette bouche juvénile qui la dévore avec emportement, éperdue d'une reconnaissance neuve, elle tombe à deux genoux aux pieds de Jacques et, avec une infinie délicatesse, elle le reçoit dans son palais. La fellation de Pierrette repose sur un art consommé de la douceur. Elle suce maternellement, suavement, avec patience et bonté. Elle aspire avec légèreté chaque testicule, puis les deux ensemble, les roule longuement dans sa bouche, revient au gland qu'elle suce comme une friandise fragile. Puis, enveloppant les deux bijoux soyeux dans sa main, elle les malaxe tendrement. Et ses lèvres absorbent enfin toute la verge : fourreau de velours, gant de soie, étui de nacre, nid d'amour. Lorsque Jacques, dans un hurlement torrentiel se déverse dans sa bouche, elle avale religieusement chaque giclée, pressure bien le canal pour en extraire la dernière goutte, et garde encore le sexe de l'ingénieur dans sa bouche jusqu'à ce qu'il mollisse de fatigue. Alors, incapable de se relever, les genoux en feu, Pierrette s'échoue sur le carrelage en respirant bruyamment. Aussi, lorsque Jacques la roule sur le côté, elle ne résiste pas. Elle sent qu'il lui relève sa robe, l'aide mollement à lui ôter sa culotte et lui montre enfin son cul. Prodigieux ! La monstresse dans ce qu'elle a de plus sacré ! La masse absolue. Le cul cubique. Jacques le contemple, impressionné. Pierrette sait maintenant qu'il la détaille, scrute sa montagne de chair blanche, s'extasie sur ses monumentales fesses. Et, sans la moindre impatience, comme épuisée, elle attend. Très vite, tétanisé par ce monstrueux spectacle, Jacques a retrouvé sa vigueur. Quand il s'agenouille derrière elle, Pierrette vient au devant de son fantasme en lui écartant les lobes des deux mains. - Encule-moi, lui dit-elle dans un souffle. Jacques regarde encore l'étonnante offrande, aboute sa verge sur le bouton rose et pénètre Pierrette d'un seul coup, presque sans effort. Le cul est souple, extraordinairement chaud, aussi moelleux et accueillant que tout à l'heure sa bouche. Alors, pris par une frénésie de possession, il la secoue avec une telle violence qu'il lui fait traverser toute la pièce. Et c'est la tête coincée entre la commode et le lit, geignant comme un animal blessé, qu'il se répand dans son cul. Quelques minutes plus tard, joignant le pire au meilleur, Pierrette le reprend dans sa bouche pour lui nettoyer la verge. Avec les jeunes, on n'en fait jamais assez !
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Le récit de sa mère laisse Gisèle pantoise. Enfin, l'animal est harponné ! Et d'excellente manière, tant la mère et la fille connaissent leurs qualités réciproques. Depuis la mort de Fernand, elles ont échangé quelques amants, les pressurant ensemble ou séparément, persuadées de l'efficacité de leur union. - Que les hommes ne veuillent pas sortir avec nous ne signifient pas qu'ils ne veuillent pas baiser. Il suffit de les attirer dans la villa et de leur en donner pour leur fantasme, avait décrété Pierrette. - Qu'est-ce que tu veux dire ? avait demandé Gisèle. - Le premier fantasme des hommes, c'est de baiser deux femmes en même temps. D'ailleurs, les Arabes ont tout compris : ils en ont toujours au moins deux sous le burnous. Et si ces deux femmes ont, en plus, un lien de parenté, tu multiplies tes chances par dix. Deux soeurs, la mère et la fille, ou la grand-mère, la tante et la nièce. Mais la mère et la fille, c'est le top. - Pourquoi le top ? - Parce que tu ajoutes au sentiment de puissance, le fumet de l'inceste et de la perversion absolue. Nous devenons immédiatement proies et salopes. - Alors, nous sommes des salopes ? s'était inquiété Gisèle. - Oui, mais des salopes amatrices. En somme, le fin du fin en matière de salopes, avait confirmé Pierrette. Ainsi, fortes de ces considérations pragmatiques, avaient-elles lancé quelques annonces dans les journaux spécialisés, dont le résultat avait été immédiat. Et l'excuse d'être grosses avait encore augmenté, chez le mâle, le prétexte de les prendre.
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Invité à dîner pour avoir si brillamment réparé l'ordinateur de Gisèle, Jacques se sentait mal à l'aise. D'une part, les formes épanouies de Gisèle et son magnifique visage le troublaient; de l'autre, Pierrette le couvait du regard, gourmande et complice, avec des frôlements de montagne et des battements de cils énamourés. Pendant qu'il dégustait un whisky, ces dames vaquaient ici et là, tout sourire, l'une l'autre lui jetant au passage un petit mot, se rapprochant de lui peu à peu, caressant sa nuque, l'air de rien. Bientôt, cette familiarité se précisa : - J'adore ce whisky, lui confia Gisèle en lui glissant deux doigts dans le cou. Et Pierrette d'ajouter, en lui caressant les lèvres : - C'est excellent pour l'amour. Bientôt, de petites attentions en mots inutiles, toujours sans avoir l'air d'y toucher, on lui mit les mains un peu partout. De sorte que, lorsqu'ils passèrent à table, Jacques bandait. A table, justement, on avait vu large. Largesse rehaussée d'un chaleureux Côte-du Rhône qui coulait à flot. Et le rituel du va-et-vient de ces dames, tantôt l'une tantôt l'autre, ininterrompu jusqu'au dessert, toujours accompagné d'une caresse anodine dans les cheveux ou le cou. Cette mise en condition participait d'une tactique précise. Revue et corrigée sans cesse, améliorée au gré des amateurs de chairs grasses, elle avait fait ses preuves et donné des résultats étonnants. Mais, pour Jacques, on avait décidé de déployer le grand jeu. On en était enfin au dessert, lorsque Gisèle lança : - Pierrette m'a dit que vous l'aviez bien baisée. C'est gentil. Je crois que son veuvage commençait à lui peser. - Oui, confirme Pierrette, il a une très belle queue. - C'est important la queue, ajoute Gisèle. Trop de femmes la négligent. Alors qu'une queue bien entretenue apporte un équilibre et une grande sérénité dans le couple. J'ai lu ça dans Marie-Claire. - Il faut surtout savoir bien la sucer, enchaîne Pierrette. Les hommes ont besoin d'être sucés. Quand je pense qu'il y a des femmes qui ne sucent qu'une fois par semaine ! - Et on s'étonne après ça qu'il y ait des divorces ! Moi, je dis qu'il faut sucer au moins deux fois par jour, assure Gisèle. - Au moins, continue Pierrette. Fernand - c'est mon défunt mari - je le suçais trois fois durant la semaine et quatre fois le dimanche. Il appréciait surtout que je le réveille avec sa queue dans ma bouche. Le matin, sous les draps, c'est un régal ! Non seulement, tu as le goût, mais en plus tu as l'odeur. - D'après Marie-Claire, avec de la liqueur de framboise ou du Nutella, c'est encore meilleur ! - Non, le meilleur, c'est le fumet du mâle. Fernand, pour ça, il connaissait bien les femmes. Ni eau ni savon. Il faisait sa toilette dans ma bouche. Rivé sur sa chaise, la verge presque douloureuse, Jacques éprouve le sentiment d'avoir atterri sur une planète inconnue. L'incongruité du propos le trouble moins que le ton de la conversation ordinaire sur lequel il est proféré. N'osant intervenir, il se repaît de cette litanie érotique comme un collégien découvrant son premier nu. - Mais on vous choque peut-être ? feignent de s'inquiéter les deux femmes. - Pas...pas du, du tout, bredouille Jacques. - Tu sais, Gisèle, Jacques est vraiment un amour. Il m'a enculée comme une reine ! - Le cul, c'est plus fin, assure Gisèle. Il paraît qu'autrefois, on punissait de mort tous les sodomites. C'est ridicule. Plus le trou est étroit et plus l'homme se régale. Bon, d'accord, la chatte de temps en temps pour se donner du plaisir, mais le cul c'est la friandise de l'homme. Hein, Jacques ? - Non...Oui...oui, oui ! - Une femme qui veut garder son mari doit savoir donner le cul, confirme Pierrette. - Que veux-tu dire par "savoir" ? - Je veux dire qu'il faut le lui montrer constamment, le promener, l'aérer, qu'il le voie bien quoi ! Tiens, j'avais lu dans un magazine - non c'était pas Marie-Claire - qu'un homme, si tu lui radiographie le cerveau, il y a un cul. Z'appellent ça l'image subliminale. Eh bien, l'homme, tu le sublimes en lui montrant ton cul tous les jours ! Pierrette marque un temps, puis ajoute d'une voix innocente : - Jacques, ça vous plairait de voir le cul de Gisèle ?
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Durant un mois, Jacques Austiard connut le nirvana, la sérénité suprême de l'homme comblé. Maintenant, il comprenait pourquoi Bouddha est obèse. La chair grasse est le plus sûr moyen de conquérir la sagesse et le connaissance parfaites. Ces deux femmes l'avaient comblé d'un savoir qu'aucun livre ne révèle. Hélas, les paradis terrestres ont une fin. Informaticien brillant, Jacques dû s'exiler sur Paris où siégeait la maison mère de sa société. A quelque temps de là, Pierrette et Gisèle apprirent son mariage avec mademoiselle Armande Lisieux de la Grotte, une catholique pratiquante qui pesait 56 kilos pour 1 mètre 70. Ce jour-là, elles ne mangèrent pas.
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