Chapitre 48

Points vitals et coups fataux

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Premier battement de coeur : Marianne ne l'a pas vue arriver.

Second battement de coeur : Lissou ne transporte aucun sac. Facile d'imaginer avec quoi elle compte la payer. Et, à cette distance, impossible de distinguer si elle a un Laguiole bis dans la main.

Déjà, j'ai entrebâillé la porte du sous-marin, visant Lissou juste au dessous de la pomme. L'aura même pas le temps de toucher le sol avant de s'écraser en enfer.

Puis, tout se déroule très vite. Mais, rassurez- vous, on vous l'a filmé au ralenti.

Marianne s'est retournée au moment où Lissou a levé son bras. Si vous enlevez vos lunettes de soleil, vous remarquerez dans la main droite de Lissou une fugace étincelle : c'est un joli couteau de cuisine à découper le gigot. Et là, faites bien attention à la jambe droite de Marianne. Premier temps : un yoko geri dans le flanc gauche de Lissou, juste à la hauteur des côtes flottantes, pour ceux qui aiment les comparaisons maritimes. Mais c'est surtout (second temps) son coup de pied retourné qui restera dans toutes les mémoires, une "papinade" horizontale qui atteint Lissou entre l'enclume, l'étrier et le marteau. Rarissime ! Sous le choc, Alice Ancieuse perd son quilibre, tibute ou tipute et reçoit le pourboire final in the mouth, ouf !

- Quelle fille étonnante ! s'exclame Bouzin. Quel coup !

Et en cela, j'approuve pleinement Bouzin : Marianne, c'est un coup.

- Mais comment avez-vous fait pour soupçonner cette Alice ? s'étonne Bouzin.

- Élémentaire, mon cher Ronald ! D'abord, Lissou me donne rendez-vous pour me laisser entendre qu'elle a rompu avec toute cette ribambelle de gouines, toutes plus salopes les unes que les autres. Quelques jours plus tard ou plus tôt, mais je ne sais pas quand ni comment, elle découvre l'activité parallèle de Corinne : renseigner les kidnappeurs d'enfants. Enfin, elle fait le rapprochement entre la disparition de son frère (il y avait un Raoul Ancieuse dans la liste des enfants recherchés) et Corinne. Conclusion : elle décide de venger son frère et elle la tue.

- Ce Raoul Ancieuse ne fait pas partie des enfants qu'on a récupérés.

- Hélas, non. Mais il était certainement parmi les cadavres qu'on a retrouvés enterrés dans le parc d'Oméga.

- Alors, elle n'a pas tué Corinne pour rien. Des filles comme elles ne méritent pas de vivre, conclut Bouzin.

- Pauvre Lafcadiette, reste plus qu'à lui trouver un excellent avocat pour qu'elle s'en tire à moindre frais.

*

Le lendemain, Marianne faisait la une de tous les journaux de la capitale et de la Navarre réunies, plus quelques feuilles de choux, sises dans la France profonde, qui relatèrent l'exploit de la jeune policière. Marianne ne dissimulait rien de sa silhouette généreuse, assurait qu'elle était ceinture bleu-gris de Foudji Kong et que son Maître, Akkaka Kivien, lui avait tout appris sur les points vitals et les coups fataux. Plusieurs magazines s'emparèrent de son image pour promouvoir des marques de vêtements "cool", de parfums "fun", de bijoux "must", voire de casseroles "in" et de fromages qui puent ; et PPDA, l'invita même au journal de 20 heures, tout plein d'aimables questions.

Du coup, à la brigade, z'avaient tous la larmette à l'oeil.

- C'est dommage, pleurnichait Lapaire, on l'aimait bien.

- On va regretter ses miches, ajouta Blacky.

- Elle ne résistera jamais à toutes les sollicitations qui lui sont offertes, complétait Darta.

- Et vous, Monsieur, vous ne dites rien ?

Amaris me regarde avec un léger sourire en coin. Pas le moment de foirer. Tous m'observent. Je suis chef, donc apte et idoine à dire des conneries bien senties :

- Non, j'observe. Je suis très heureux que Marianne vive cette belle aventure médiatique. Mais je la sais aussi très attachée à notre brigade. Lorsque les feux de la rampe s'éteindront, elle reviendra. Bien, maintenant, si vous souhaitez une distribution de kleenex ?

*

- Coucou !

On s'est tous retourné comme un seul homme : une star !

- Alors, hein Commissaire, ça vous change de vos putes ordinaires !

Méconnaissable ! Fardée, coiffée, parfumée, bijoutée, arborant une mini-jupe extra short, des collants noirs et des escarpins luisants. C'est simple : lorsqu'elle a ouvert son long manteau en pur cuir de vache folle, Lapaire a failli s'évanouir.

- Vous nous faites une petite visite d'amitié ? ai-je demandé.

- Vous rigolez, Commissaire. J'ai pris une semaine de congé exceptionnel, mais dès demain, service-service !

- Nous pensions tous que le cinéma s'offrait à vous et qu'après toutes ces publicités, nous allions vous perdre corps et biens.

- Oui, on m'a proposé deux films pornos, un épisode dans La Crim' où je joue la pute et une comédie dans laquelle j'essaye des soutifs. Merci ! Je préfère encore perdre les biens et garder mon corps. On ne sait jamais ? Des fois que le mec, que j'attends toujours, daigne se pointer pour en prendre possession...

Z'ont tous approuvé cette belle initiative. Maintenant qu'ils avaient une starlette dans la brigade, pouvaient tous résilier leur abonnement à Canal Puce. Le samedi soir, ils penseraient à Miss Buste !

- Commissaire, je peux vous parler une seconde ?

C'est Bouzin.

- Ça presse ?

- Je crois que je viens de découvrir quelque chose d'important.

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